Classé dans: Stratégie

Livre: Expérience de mise en place du pilotage stratégique

au sein d’un Etablissement Public Administratif (EPA) : Les Haras nationaux


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INTRODUCTION
Exemple de mise en place du pilotage stratégique dans un établissement public de l’administration française.
Un premier essai à améliorer ?
Ethymologie…
Issu du grec stratêgos " celui qui conduit l'armée " (de stratos, « armée », et agein, « conduire »), le mot est synonyme, jusqu'au XVIIIeme siècle, d'art militaire. Sun Tzu, général chinois, est célèbre en tant qu'auteur de l'ouvrage de stratégie militaire le plus anciennement connu : L'Art de la guerre. Rédigé au 4ème siècle avant notre ère, L’art de la guerre est régulièrement cité pour illustrer les stratégies indirectes utilisées lors des campagnes militaires, ou plus simplement dans les rapports économiques et humains. Par des métaphores chères aux Chinois, Sun Tsu expose les attitudes à adopter dans les différentes situations de la vie.
Le terme de stratégie s'est effectivement diversifié et étendu à des domaines non militaires. Définie comme " l'art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit " (André Beaufre), la stratégie est, au sens large, l'art de l'action conjuguant des moyens de nature diverse dans un univers antagoniste, qu'il s'agisse du domaine militaire, politique ou commercial.
De la guerre à l’entreprise…
On peut noter certaines analogies entre l’entreprise et la guerre :
 Le client = l’entité à conquérir
 Le concurrent = l’ennemi
 Les deux structures ont :
▪ Des objectifs
▪ Une hiérarchie
▪ …
Les concepts de la stratégie militaire peuvent donc s’appliquer au monde de l’entreprise, mais quelques précautions sont nécessaires avant toute transposition. En effet, si les concepts de la stratégie militaire et de la stratégie d’entreprise diffèrent, ce n’est pas parce qu’il y a rupture entre les modes d’organisation de l’armée et de l’entreprise, mais parce que la complexité accrue de l’organisation de l’entreprise et de son environnement la conduit bien souvent à une appréhension plus complexe de la stratégie.
La démarche militaire s’appuie en effet sur une organisation hiérarchisée, pyramidale. L’armée dépend du pouvoir politique, qui détermine sa légitimité par ses missions générales (dissuasives en temps de paix, opérationnelles en temps de crise ou de guerre déclarée). L’organisation militaire est ainsi chargée de la mise en oeuvre, tandis que la décision appartient au pouvoir politique exclusivement.
En revanche, l’entreprise n’est pas un instrument au service d’une mission fixée en-dehors d’elle-même et ne peut être justifiée par une fonction autre que sa propre existence. Au
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contraire de l’armée, son objectif est endogène : garantir sa pérennité en tant qu’entité. Outre cette première différence, fondamentale, l’entreprise est rarement - et en tout cas moins que l’armée - représentée par un individu ou un état-major. On ne peut pas la résumer à un seul de ses centres de décisions.
D’autre part, elle subit des contraintes internes et externes qui suivent des logiques très différentes, d’ordre social, technico-économique, politique, entre lesquelles les compromis et les arbitrages sont d’autant plus difficiles que les centres décisionnels sont multiples.
C’est ici que réside l’une des difficultés d’application de la stratégie militaire à l’entreprise.
Stratégie et administration…
Si sa définition s’est élargie au cours du temps, parler de stratégie dans des situations non militaires reste délicat. Ce terme est resté empreint de connotations négatives en raison de ses racines guerrières (agressivité, manipulation…).
En particulier, il n’existe que quelques directeurs de la stratégie dans l’administration française. Ce statut de directeur de la stratégie est difficile à assumer.
Il est intéressant de s’arrêter sur l’anecdote suivante : dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) du 14 Juillet 2004, le secrétariat général du Gouvernement rattaché à la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre, lançait l’appel d’offre suivant : « Réalisation de prestations de conseil en stratégie auprès de hauts responsables en charge de la définition et de la mise en oeuvre de la réforme de l’Etat. » Un article du Canard Enchaîné a immédiatement suivi, critiquant les ministres et sous ministres à la Réforme de l’Etat, qui recherchent une aide extérieure pour assurer le rôle de stratège et avec qui cette Réforme de l’Etat serait « dans un triste Etat » !
La stratégie est un champ nouveau d’investigation pour l’administration ; chacun sait de quoi il s’agit mais tout ne se met en place que progressivement en suivant une démarche expérimentale. Un petit groupe de pionniers travaille à ce que la stratégie devienne une fonction à part entière au sein de l’administration française : les Haras nationaux en font partie…
Stratégie et économie…
En économie, « La stratégie consiste à déterminer les objectifs et les buts fondamentaux à long terme d’une organisation puis à choisir les modes d’action et d’allocation des ressources qui permettront d’atteindre ces buts et objectifs ». (A.D. Chandler).
Pour les Haras nationaux, il ressort de cette définition que la stratégie :
 Engage l’ensemble des ressources détenues par l’établissement et ce, sur une longue période
 Concerne successivement la détermination :
▪ Des axes stratégiques
▪ De la raison d’être et du positionnement de l’établissement
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▪ Des ambitions
▪ Des objectifs opérationnels
▪ Des leviers d’action (OVAR)
▪ Des missions / programmes / actions
 Détermine le niveau des moyens à mettre en oeuvre (construction des budgets par programme, management par objectif et dialogue de gestion)
 Nécessite la mise en oeuvre de moyens d’évaluation pour savoir si les objectifs sont atteints.
Cette démarche nécessite de faire le parallèle avec les productions de chaque action (marketing). Cela revient alors, à répondre à trois questions simultanément :
 Que produire ?
 Comment faire pour réaliser cette production ?
 Avec quels moyens dois-je le faire ?
D’une culture de moyens à une culture de résultats…
La culture de moyens peut être traduite ainsi : un bon budget est un budget qui augmente. Plus les sommes allouées sont importantes, plus l’entreprise s’investit dans un projet.
Le raisonnement stratégique est de nature complexe, il renverse les données du problème et oblige l’entreprise à passer à une culture de résultat : la meilleure allocation des ressources et des moyens est celle qui permet, au moindre coût, d'atteindre les objectifs préalablement définis. Les ressources ne sont plus distribuées par unité fonctionnelle mais par programme et actions de façon raisonnée en fonction des objectifs poursuivis. La performance devient alors le maître mot : à travers la détermination d’objectifs auxquels seront rattachés des indicateurs (de moyens et de résultats), il devient possible, pour la direction, d’évaluer l’efficience1 et l’efficacité2 de chaque action.
Ce changement de culture implique de profonds bouleversements au sein de l’entreprise :
 Remodelage de la structure organisationnelle (organisation par métiers ou matricielle)
 Mise en place de nouveaux outils (pilotage de la performance, fonction marketing, …)
 Nouvelle forme de management (management par objectifs, fonctionnement par projet)
Chaque organisation choisit sa stratégie en fonction de son histoire, sa culture, ses moyens, son environnement et la position qu’elle souhaite occuper dans le futur. Il est donc très important, pour l’entreprise, de se connaître et de connaître son environnement ; cette étape est le point clé de sa future réussite. Autant dire qu’il n’existe pas un seul bon modèle stratégique mais presque autant que d’entreprises !
1 Efficience : Une action est efficiente si elle est réalisée à l’aide d’un minimum de ressources.
2 Efficacité : une action est efficace si elle atteint les objectifs qui lui sont fixés.
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Nous traiterons, dans ce document, de l’expérience des Haras nationaux en terme de pilotage stratégique. Nous présenterons d’abord, en première partie, cet Etablissement Public Administratif (EPA), son environnement et son contexte. Nous verrons qu’une mutation culturelle et organisationnelle est nécessaire et que cette mutation ne peut avoir lieu sans stratégie. Nous expliquerons donc quels ont été les choix stratégiques des Haras nationaux en fin de première partie.
En seconde partie, nous détaillerons les différentes étapes de la mise en place de cette stratégie en veillant à expliquer les raisons qui ont conduit les Haras à procéder ainsi. Nous verrons ainsi :
 Quels sont les principes fondamentaux dans la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de l’établissement
 Comment les Haras se sont organisés pour mettre en oeuvre cette stratégie
 Comment ils ont mis en place une fonction marketing, puis pilotage de la performance
 Et enfin, comment la mise en oeuvre de projets structurants opérationnels participe à l’élaboration de la stratégie à long terme des Haras nationaux.

 

1995