Le rôle de l’inconscient dans la relation entre le cavalier et le cheval

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LE ROLE DE L'INCONSCIENT DANS LA RELATION
ENTRE LE CAVALIER ET LE CHEVAL

Notre étude aura pour objet les causes de la relation forte et passionnée qui lie un cavalier à son cheval.
A notre connaissance, peu de documents à ce jour ont suivi cette démarche. En effet, les recherches vont soit vers l'analyse de la psychologie du comportement du cavalier (afin d'améliorer ses qualités en tant que tel), soit vers l'étude de la psychologie et du comportement du cheval.
Les écrits nous montrent que "le cheval appartient à notre inconscient collectif et individuel …", mais ils omettent de s'interroger sur les causes de ce phénomène. Les fait concrets dans la vie quotidienne (attention extrême du cavalier pour son cheval qui l'amène à lui parler, à dormir dans son box …), l'enquête faite auprès de cavaliers et l'étude de la littérature ou de la mythologie (centaure, licorne, …) nous permettent de confirmer cette hypothèse.
S. FREUD a démontré que l'inconscient de chaque individu possède une image de son corps où les différents organes sont bien identifiés, et F. CLEMENT montre que dans "l'inconscient du cavalier, le cheval devient la continuité du corps de celui-ci". La découverte de l'image inconsciente du corps par S. FREUD nous a permis d'avancer la thèse suivante : "Le cheval peut être considéré comme étant effectivement le révélateur des représentations qui tissent l'image de l'inconscient du corps de son cavalier".
La relation cavalier-cheval, profonde et passionnée, est le sujet de recherches très approfondies. … "L'amour de l'animal est le moteur essentiel des cavalier". Dans le champ d'étude psychanalytique, les notions : Passion, Amour, Etat de bien-être et Transfert sont en quelque sorte liées à l'ouverture de la "frontière de l'inconscient".
Quelles sont les relations de cause à effet entre ces deux phénomènes :
L'union cavalier-cheval (qui peut être telle que le cheval est ressenti comme un prolongement du corps, un "corps agissant") et la place que le cheval occupe dans la vie du cavalier, l'importance qu'il prend dans sa vie quotidienne, physique et affective.
Dans notre étude, nous nous sommes concentrés sur la relation entre le prolongement d'une image du corps du cavalier qui, en quelque sorte, provoque certaines "ouvertures de frontières" de son inconscient (…"le bien-être ressenti en équitation vient de ce que le rapport avec l'animal est pleinement ouvert et permet l'abandon réciproque de l'un à l'autre").
En utilisant l'ensemble des travaux effectués sur le sujet dans le champ psychanalytique, cette étude essaiera de répondre à une vieille question : "Pourquoi le cheval ?"

Notre étude ne se situe pas dans le domaine de la recherche ethnologique ou sociologique. Elle ne concerne ni des chiffres, ni des statistiques, ni des questions philosophiques. Ce qui nous intéresse, c'est le discours direct des cavaliers, des éleveurs, des chercheurs, des journalistes, tout ce qui a été dit autour de cette relation entre l'être humain et le cheval. Nous considérons qu'en analysant ces "dires", on arrive à mieux comprendre le langage "vrai" et les raisons inconscientes de cette passion de l'homme pour le cheval. Si l'on considère que le grand Autre est un "trésor de signifiants" que l'inconscient est "le discours de ce trésor", (cf. Jacques LACAN), on peut dire que la meilleure façon d'aller au plus profond de cette relation inconsciente est d'analyser toutes les paroles qui s'y rapportent.
Autrement dit, en laissant les gens parler librement de leur passion, on arrive à partir des réponses à formuler les bonnes questions. C'est la démarche inverse de celles des statistiques ou des sondages, qui, avec un ensemble de questions déjà préparées, amènent l'individu à parler avec d'autres mots que les siens.
Pour cette même raison, dans ce travail de recherche, que ce soit dans le domaine vétérinaire, psychiatrique, psychanalytique, sociologique ou ethnologique, ou dans des articles divers et variés, nous nous baserons uniquement sur les "dires". De la même façon, nous nous intéresserons au folklore, à la mythologie, à la littérature et à tout ce qui, de près ou de loin, nous a été rapporté de la profondeur de l'histoire à nos jours, au sujet de cette relation avec le cheval.
Ce qui devient un proverbe ou une pensée commune dans une culture, n'est rien d'autre qu'un discours vérifié à travers le temps par différents individus. Les paroles répétées dans les chansons, les proverbes ou les poèmes reflètent un sentiment à la fois intime et commun à tous. Bien que tout le monde ne soit pas un cavalier ou n'ait pas de lien avec le cheval, cette pensée s'est transmise à travers le temps et montre qu'à un moment donné, une personne a éprouvé ce sentiment, confirmé par plusieurs autres générations. C'est pour cette raison qu'en apparaît la trace dans les chansons ou poèmes et dans la littérature ou les arts.
Même si les cavaliers à travers différentes cultures, dans des lieux ou à des époques différentes, n'avaient pas les mêmes relations avec leur cheval, les paroles ou pensées qui sont parvenues jusqu'à nous ont assez de poids pour bien montrer l'aspect symbolique des relations entre l'homme et le cheval. Bien que la recherche des effets de ces symboles ne soit pas le sujet de notre travail, ces notions symboliques nous aident encore une fois à mieux clarifier cette relation. A travers ces pensées intimes confirmées dans le temps par des générations, on peut retrouver les origines des symboles dans l'histoire.
Même si l'analyse de l'ensemble de ces symboles, des liens entre eux dans toutes les cultures, la découverte de leurs origines et de leurs raisons d'être est une recherche très longue qui sort de nos attributions, on fera quelques allusions à ce travail pour mieux vérifier notre hypothèse. C'est pour cette raison que toute cette recherche sur la symbolique du cheval ne sera qu'un survol, mais qui confirme notre thèse.
Nous n'avons pas l'ambition d'analyser la totalité des notions symboliques du cheval ; c'est un travail qui a déjà été fait plusieurs fois. Le but de cette étude est de répondre à une question simple : pourquoi le cheval tient-il une place si particulière dans la vie affective de l'homme ?
A partir de la (ou des) réponses, nous pourrons mieux maîtriser et analyser la passion ou l'amour de l'homme pour le cheval et profiter de cette analyse pour dégager différents aspects des relations sociales liées au cheval. Ce travail et ses conclusions pourront être utilisés pour l'ensemble des recherches concernant différents domaines : le cheval de loisir, le tourisme à cheval, le sport de compétition, le cheval en tant qu'élément d'intégration sociale ou de thérapie des troubles mentaux ou affectifs, le cheval et la passion du jeu, etc …
Notre objectif est de montrer l'importance particulière des relations homme/cheval, via les "dires" et les témoignages mythologiques, historiques, folkloriques, etc … et de faire naître un autre regard de l'homme sur son cheval, ces relations étant bien sûr différentes selon qu'il s'agit d'une relation "femme/cheval" ou "homme/cheval" (il est bien connu que les femmes utilisent plus souvent les mots et la douceur, avec beaucoup de sens de l'observation et en restant très près de l'animal, alors que les hommes essayent d'obtenir un accord par la force et l'autorité). Que ce soit chez différents chercheurs ou différents auteurs ou que ce soit dans la symbolique, on trouve toujours trace de l'importance particulière de ces liens.
Prenons comme exemple cette citation de J.P. DIGARD : "… le cheval tient cette étrange faculté de déchaîner les passions de son statut culturel tout à fait particulier". La question que l'on peut se poser est donc : pourquoi le cheval a-t-il cette étrange faculté ?  Un chercheur comme DIGARD qui constate la présence de ce phénomène particulier au cheval, se passionne pour lui mais sans aller plus loin ni se demander d'où vient cette passion, tout en sachant que le statut culturel du cheval a ses racines dans la profondeur de l'histoire.
Un autre chercheur, Fabienne CLEMENT, nous dit : "le cheval est le pivot, sinon l'âme" . Notre question tourne toujours autour de cette importance. F. CLEMENT nous dit encore : "l'équitation s'avère donc être un sport plaisant à regarder, à pratiquer, idéal pour les amoureux de la nature".
Cette relation entre l'amour et la nature nous amène vers l'image de la "nature-mère". En utilisant la notion d'idéal, c'est un pas de plus vers l'idéalisation d'une relation cavalier/cheval, où l'objet d'amour est idéalisé et hors de toute critique.
D'autre part, une autre citation du même auteur précise : "et si l'on demande à ceux qui, sans avoir pratiqué, se disent tentés par le cheval : "qu'est-ce-qui vous attire particulièrement dans l'équitation ?", ils répondent comme suit : 55 %, la beauté et l'élégance du cheval, 56 % le contact, l'harmonie entre l'homme et le cheval et 63 % la possibilité de randonnées en campagne et en forêt" .
Si l'on entend bien, derrière les notions de beauté, d'élégance et d'harmonie, se cache un objet d'amour idéalisé, associé à l'idée de contact avec cet idéal dans le contexte de la nature. Ceci nous amène à réfléchir aux relations établies avec cet objet d'amour idéalisé. Sans entrer dans les détails, on peut dire que la relation homme/cheval va éventuellement au-delà des relations de contact. Elle semble participer de cette confusion entre le corps du cavalier et celui de sa monture, comme en témoigne la création mythologique du Centaure. Elle rejoint également le merveilleux dans l'imagination d'autres types de créatures comme la licorne ou Pégase.
Même parmi les chercheurs qui ont essayé d'aller plus loin dans l'étude de cette place particulière que tient la relation de l'homme avec le cheval, on retrouve souvent la confusion entre l'identification, la passion et l'amour. Nous essayerons dans cet article de bien remettre à leur place les trois termes : l'amour, la passion et l'identification par rapport au cheval. Ceci sans entrer dans les détails ni critiquer l'ensemble des textes qui tentent de mettre en évidence ces relations en restant en dehors de la passion et de l'amour.
Bien sûr, la méthode normale des sondages et des différentes enquêtes, avec analyse et synthèse des questions et des réponses, est intéressante. Mais le défaut principal de cette méthode est qu'à partir du moment où on effectue un choix de questions et où l'on établit un ordre pour les poser, il ne reste plus rien de spontané pour arriver à comprendre le discours inconscient de l'individu. Ces enquêtes et les recherches ethnologiques, sociologiques ou psychologiques tournent autour d'hypothèses déjà établies et souhaitent obtenir des réponses concordantes à partir de groupes d'individus à qui l'on pose des questions déjà préparées.
Dans la méthode psychanalytique, l'association libre des idées nous fait écouter le "vrai" langage d'un sujet et nous amène à poser des questions à partir de la compréhension du discours interne ou intime de l'individu. Philosopher ou parler, même avec des mots simples, des liens qui nous lient au cheval, tous ces "dires" accumulés nous feront découvrir les bonnes questions, à partir de "réponses sans questions". La différence de méthode est là.
Beaucoup se poseront la question : "Mais comment peut-on parler du rôle de l'inconscient dans la relation entre cavalier et cheval ?". On peut répondre que notre recherche est liée au fonctionnement de l'inconscient, à la structure même de ce "monde intérieur". Comme les différents organes du corps, l'inconscient, son fonctionnement et les effets de ce fonctionnement dépendent de la vie réelle à laquelle nous sommes confrontés.
Tout comme différents individus peuvent avoir des relations différentes vis-à-vis de leur propre corps, à l'intérieur de différentes cultures, il arrive aussi qu'une même relation soit toujours traduite de la même façon à toutes les époques et dans tous les cadres culturels. C'est à ce moment-là qu'elle devient un symbole et c'est ce qui s'est produit avec la relation de l'homme envers le cheval, cet amour a toujours été identifié de la même manière.
Jacques LACAN nomme "Autre" l'ensemble des "signifiants" d'un individu, acquis par celui-ci au cours de son évolution personnelle. Lorsque cet "Autre" s'exprime librement, sans contrainte ni censure d'aucune sorte, par associations libres (ou dans le rêve par exemple) il le fait par des enchaînements de signifiants qui constituent son "discours" et sont à la base de la structure de l'inconscient. Chacun des organes de notre corps a sa correspondance dans ce "monde intérieur" des signifiants, ainsi que chacune des commandes de ce "système" qui gère notre organisme. Pour ce noyau de notre appareil psychique, avoir une image de son propre corps est indispensable, une image construite par les signifiants et passant par eux et non par les éléments physiques. C'est donc en écoutant le "discours" libre de cet "Autre" que nous pourrons démêler de quoi est faite cette image inconsciente de notre corps.
Cette étude nous permettra de démontrer ensuite que cette relation avec le cheval reflète la prolongation de l'image inconsciente du corps du cavalier et montrera qu'elle participe aussi aux "ouvertures des frontières" de l'inconscient, dont l'image inconsciente du corps fait partie. Elle est aussi un exemple du "prototype de l'amour". Ces différentes conclusions nous amènerons à porter un autre regard sur cette relation et à pouvoir en faire une autre lecture.

PASSION, AMOUR, TRANSFERT et ETAT DE BIEN-ETRE
La définition de l'amour dans les domaines mythologique, littéraire, philosophique, relationnel ou pluri-culturel et dans les profondeurs historiques, religieuses et mystiques, malgré tout son intérêt, est trop vaste pour ce travail. Notre étude est centralisée sur l'amour dans le champ psychanalytique et plus précisément, l'amour dans les œuvres de Sigmund FREUD.
Celui-ci, dans l'ensemble de ses œuvres, utilise la notion d'amour à plusieurs reprises, à tel point qu'il en définit plusieurs sortes : l'amour commun sensuel, l'amour sexuel, l'amour véritable, l'amour poétique de l'adolescent, l'amour partagé, l'amour de l'humanité, l'amour inhibé, l'amour du transfert et l'amour-pulsion de mort. Dans tous les cas, il existe un objet de l'amour et finalement il s'arrête sur l'amour de l'objet.
D’autre part, il parle à plusieurs occasions de l’amour, de la passion, de l’identification et du stade narcissique. Peut être la phrase clé de son œuvre à ce sujet se trouve-t-elle dans l'"Abrégé de psychanalyse"(1938) (1985 PUF) : "le sein nourricier de sa mère est pour l’enfant le premier objet érotique, l’amour apparaît en s’étayant à la satisfaction du besoin de nourriture". Au début, l’enfant ne différencie certainement pas le sein de son propre corps. C’est parce qu’il s’aperçoit que ce sein lui manque souvent que l’enfant le sépare de son corps, le situe au "dehors" et le considère dès lors comme un "objet". Un objet chargé d’une partie de l’investissement narcissique primitif, qui se complète par la suite en devenant la personne maternelle.
Celle-ci ne se contente pas de nourrir, elle soigne l’enfant et éveille ainsi en lui maintes autres sensations physiques agréables ou désagréables. Grâce aux soins qu’elle lui prodigue, elle devient sa première séductrice. Par ces deux sortes de relations, la mère acquiert une importance unique, incomparable, inaltérable et permanente, elle devient ainsi, en tant qu'identification narcissique et source de sensation, "l’objet du premier et du plus puissant des amours, le prototype de toutes les relations amoureuses ultérieures".
D’ores et déjà, dans ce texte, l’amour et son objet, la frontière entre soi-même et l’extérieur du corps, l’investissement narcissique primitif, la nourriture et la sensation de faim sont présents. Dans d’autres textes, il précise : "amour" et "faim" sont deux grands besoins. ("Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse").
Ce prototype ouvre la voie. S. Freud, dans trois essais sur la théorie de la sexualité, écrit : "Ce n’est pas sans de bonnes raisons que la figure de l’enfant qui tète le sein de sa mère est devenu le modèle de tout rapport amoureux. La découverte de l’objet est à vrai dire une redécouverte". Au début de son travail, Freud compare même l’amour avec l’hypnose : "l’attitude de l’enfant à l’égard des parents aimés et certaines relations amoureuses où l’abandon de soi est total, rappelle la relation de l’hypnotisé à son hypnotiseur …". "La conjonction de l’attachement exclusif et de l’obéissance crédule compte généralement parmi les traits caractéristiques de l’amour" écrit-il dans : "Traitement psychique"(1890).
S. Freud se basant sur la notion du "principe "de libido et de pulsion, trace le fonctionnement de l’appareil psychique et de l’aspect de "l’état amoureux", de l’identification, de la passion et de leurs différences. Dans l’amour, le sujet "il" s’est abandonné à l’objet car, dans l’identification, le moi s’est enrichi des propriétés de l’objet. Dans "Pour introduire le narcissisme", il précise : "la plus haute phase que peut atteindre la libido d’objet, nous la voyons dans l’état de la passion amoureuse, qui nous apparaît comme un dessaisissement de la personnalité propre, au profit de l’investissement d’objet". Freud précise encore que : "dans la passion, l’objet aimé jouit d’une certaine liberté au regard de la critique." ("Psychologie des foules et analyse du moi").

Pour approfondir davantage la notion d’amour aux yeux de S. Freud, prenons quelques unes de ses citations significatives :
 "Quiconque tient la sexualité pour quelque chose qui couvre de honte et qui rabaisse la nature humaine, est bien libre de se servir des expressions plus distinguées d’Eros. Le mot grec Eros n’est, tout compte fait, rien d’autre que la traduction de notre mot allemand : liebe / amour"(Psychologie des foules et analyse du moi 1921).

 "La passion amoureuse consiste en un débordement de la libido du moi sur l’objet. Elle a la force de supprimer les refoulements et de rétablir les perversions. Elle élève l’objet sexuel au rang d’idéal sexuel. Elle se produit, dans le type objectif ou par étayage ; ce qui accomplit cette condition déterminante de l’amour idéalisé"(Pour introduire le narcissisme 1914).

 "La surestimation de la femme aimée hérite du fait que chacun n’a eu qu’une mère, et qu’il ne doute pas de l’identité de celle-ci"(La méthode psychanalytique 1904).

 On peut aussi aimer par substitution à la satisfaction narcissique impossible :"… Ce qui possède la qualité éminente qui manque au moi pour atteindre l’idéal, est aimé ; c’est ce qui se produit souvent dans la cure"(Pour introduire le narcissisme 1904).

 "Lorsque l’objet à l’origine d’une notion de désir s’est perdu à la suite d’un refoulement, il est fréquemment représenté par une série infinie d’objets substitutifs, dont aucun ne suffit pleinement. Voilà qui nous expliquerait l’inconstance dans le choix d’objet, la "faim d’excitation" qui caractérise si fréquemment la vie amoureuse des adultes"(Sur le plus général des rabaissement de la vie amoureuse 1912).

Jacques LACAN définit grand "A" comme l'ensemble des signifiants d'un sujet, et l'inconscient comme le discours de cet ensemble "A". A travers le processus de la naissance le sujet développe son propre inconscient, l'image inconsciente de son corps et enfin les limites entre l'intérieur et l'extérieur. L'image inconsciente du corps est en quelque sorte liée aux frontières de l'inconscient.
Comme on l'a vu, le thème de l'amour a donc un lien direct avec le corps du sujet, son image inconsciente et ses frontières intérieure/extérieure (différence avec le corps de la mère), la nourriture et le plaisir de vivre (le sein maternel) avec toute son importance dans la vie quotidienne. La cure (transfert) et ses différentes modélisations (libido, pulsion et principe de plaisir de S. FREUD, jouissance et objet "a" de J. LACAN) peuvent donc être résumées à la conclusion de Diane CHAUVELOT (psychiatre et psychanalyste) dans son livre sur le coma "47 jours hors la vie, hors la mort", un voyage dans l'inconscient.
Et ce "voyage" laisse des souvenirs, ainsi qu'elle le décrit : "que reste-t-il de ce séjour dans ce monde différent, si généreux en souvenirs ? Il n'en reste que le sentiment d'une tranche de vie privilégiée".
"Cette longue période de coma a été vécue comme une incarcération, non pas en cellule, mais dans un espace sans limite et hors du temps". Ces moments privilégiés, "hors du temps", propres à l'état amoureux, ne peuvent-ils se rapprocher de ceux que passe le cavalier avec son cheval, dans une entente et une connivence certaines ? Retrouvons D. CHAUVELOT : "Et c'est peut-être ce qui frappe le plus celui qui revient d'une vie dans le coma : c'est que là-bas, tout était vrai, bien au-delà du vraisemblable. Or, au retour, il est difficile d'abandonner tout ce vrai … en tous cas, il est d'emblée nécessaire de faire semblant, sinon vous serez taxé de fou … Si on revit, on est tout de suite obligé de refaire semblant, mais on garde en soi la nostalgie de cette autre vie que personne n'a partagée avec vous, cette vie diminuée de semblant".
Si l'on se replace dans le cas de l'amour du cavalier pour son cheval, et du bien-être ressenti à partager ensemble ces "moments vrais", proches de la nature, on retrouve la définition que donne D. CHAUVELOT de l'amour : "l'état amoureux est un changement global de territoire. Les références habituelles n'ont plus cours, tout est neuf, tout est beau, tout est plein de promesses : c'est l'énamoration".
"Rien d'étonnant donc à ce que l'amour ait été considéré comme aliénant. L'état amoureux s'impose et chacun, jusque là bien au chaud dans son territoire propre, … Si l'autre vous aime, il vous prend dans son territoire. Ses limites deviennent les vôtres, ses références deviennent les vôtres".
"Paradoxalement, celui qui est épris n'a de cesse de quitter son territoire propre pour se faire admettre dans le territoire de l'aimé".
Cette notion de "territoire", d'environnement affectif, est expliquée par D. CHAUVELOT de la façon suivante :
… "L'animal cerne son territoire en délimitant ses frontières par ses urines : nous, nous le faisons par des mots. Mais celui qui vit une aventure imprévue dans le coma se perçoit dans un autre monde, mais pas dans un lieu étranger. Avec ses signifiants personnels, il est bien ailleurs, mais il reste toujours dans son territoire … Seule exception, transitoire à l'invariabilité du territoire propre : l'état amoureux".
N'est-ce pas la même chose lorsque la passion du cavalier le pousse à rester avec son cheval dans son box ou à s'attarder dans sa promenade pour pouvoir partager avec lui ce "territoire" naturel le plus longtemps possible, à faire "corps" avec lui et à retarder le moment où il devra revenir dans le monde "normal" ?
De même que le coma fait intervenir dans son "voyage inconscient" les signifiants personnels d'un sujet, la passion amoureuse est liée elle aussi aux ouvertures des frontières de l'inconscient. Dans le cas de la relation inconsciente du cavalier à son cheval, à partir du moment où l'image inconsciente du corps du cavalier considère le cheval comme la prolongation de son propre corps, ce lien est déjà établi, cette ouverture est déjà faite.
C'est cette ouverture que, par exemple, Jean SAVOIE dans son ouvrage "Gagner en concours", utilise et considère : "Votre aventure commence par une ouverture d'esprit qui vous permettra d'atteindre vos objectifs équestres, au travail comme en compétition, car vous comprendrez comment fonctionne une certaine partie de l'esprit humain".
Bien sûr il n'en explique pas le fonctionnement et laisse aux cavaliers la découverte de cette "ouverture d'esprit".

LE CHEVAL COMME PROLONGATION DE L'IMAGE INCONSCIENTE DU CORPS DU CAVALIER
Si on se base sur les "dires" des cavaliers, on entend par exemple ceci : "le cheval fait ce que le cavalier a décidé et même, il arrive qu'il le fasse avant que le cavalier n'ait décidé". Ce qui veut dire que le cheval exécute des ordres avant que le cavalier ne l'ordonne. D'autre part, on sait que la peur du cheval et celle du cavalier se transmettent de l'un à l'autre. Certains éleveurs disent qu'ils ont de temps en temps une telle passion pour leurs chevaux qu'il leur arrive d'aller dormir dans leur box.
Cette passion des éleveurs et des cavaliers les conduit à choisir avec beaucoup de soin un nom particulier pour leur cheval. A tel point qu'ils sont capables de payer cher pour obtenir le nom de leur choix et qu'ils tiennent particulièrement à cette appellation. Cela rappelle la sensibilité que chacun éprouve pour son propre nom. Comment comprendre alors cette place privilégiée du cheval qui est liée aux notions de force, de beauté, de générosité, de liberté ?

Marie-Françoise BONAVENTURE dans la thèse "Motivations psychologiques à la pratique du sport équestre", explique : "L'homme, du haut de sa monture est devenu plus grand que nature, toise d'un air condescendant ses contemporains qui eux, sont restés cloués au sol … Le cavalier, cette fois, partage ses pouvoirs directement, complètement. Pour la première fois il apprend, avec un plaisir manifeste à se dépasser lui-même physiquement grâce à sa nouvelle conquête … Par conséquent, le cheval accrut radicalement le domaine d'action de l'homme, mais l'influence qu'il exerça sur son esprit fut, pour le moins, aussi grande. Le nouveau pouvoir dont il devint le détenteur amplifia sa vision du monde, rehaussa son amour propre. Il aiguisa aussi sa vanité, l'infatua de cette arrogance que l'on évoque lorsque l'on parle d'un "piéton" avec une nuance de mépris dans la voix".
Le même auteur nous dit plus loin : "les psychanalystes ont fait du cheval le symbole du psychisme inconscient, l'archétype voisin de la mère, mémoire du monde ou celui du temps, car relié aux horloges naturelles ou celui de l'impétuosité du désir … Le blanc cheval céleste représente l'instinct contrôlé, maîtrisé, sublimé. Le cheval est le véhicule et son destin est inséparable de celui de l'homme. Entre eux intervient une dialectique particulière de l'inconscient et du conscient, source de paix ou de conflit. S'il y a conflit, la course peut mener à la folie et à la mort, s'il y accord, elle se fait triomphale".
Ce que l'auteur développe ici est basé sur le travail de Gustav JUNG qui utilise cette notion du symbolisme du cheval, lié à la mère et à la nature. On voit alors comment le cheval, devenu prolongation inconsciente du corps de son cavalier a pu se transformer en symbole, ceci depuis fort longtemps, comme nous le montre une autre phrase du même auteur : "les représentations remarquables de l'art rupestre du magdalénien, à la fin du paléolithique supérieur, montrent que le cheval vivait déjà dans l'intimité de l'homme".
Un nouveau concept apparaît alors : "l'intimité de l'homme". Elle ajoute : "cheval et cavalier sont intimement liés. Le cheval instruit l'homme" . On voit encore une fois apparaître ce lien intime entre homme et cheval. L'"instruction" de l'homme par le cheval ressemble-t-elle à celle que la mère donne à son enfant ? Si l'on en croit cette autre phrase : "La jument incarne le rôle de la terre-Mère ".
Marie-Françoise BONAVENTURE insiste dans son ouvrage : "le cheval constitue l'un des archétypes fondamentaux que l'humanité ait inscrit dans sa mémoire. Son symbolisme est universel … Ses pouvoirs dépassent l'entendement. Il est donc Merveille et c'est pour cela que l'homme l'a sacralisé si souvent" .
Elle établit alors un parallèle avec le serpent : "Un seul animal le dépasse peut être dans la symbolique des peuples, le serpent qui, comme lui, coule incessamment entre les enfers et les cieux. Ainsi les chemins du cheval et du serpent sont interchangeables dans maintes histoires merveilleuses". Le serpent a toujours tenu dans la symbolique un rôle sexuel et le cheval a toujours été lié à la Mère.
L'idée que le cheval appartienne à l'image inconsciente du corps de son cavalier va nous amener dans ce second chapitre à montrer que cette relation est plutôt en rapport avec la mère. Reprenons l'ouvrage de M.F. BONAVENTURE : "Le cavalier est un nouveau type d'homme. Sa monture et lui-même ne faisaient qu'un et ce, le plus harmonieusement du monde" .
En Afrique, dans certaines tribus, existe la pratique des échasses. Il y a des hommes qui parviennent à marcher avec des échasses de plusieurs mètres. Ils commencent à les pratiquer dès leur plus jeune âge et quand on les interroge, ils disent souvent "qu'en haut", ils deviennent "quelqu'un d'autre", que c'est "autre chose" et que c'est aussi "un secret qu'il ne faut pas dévoiler". De la même façon, ces échasses prennent finalement la même place que le cheval, c'est-à-dire la prolongation du corps du sujet. C'est pour cette raison qu'il devient "quelqu'un d'autre", "en haut". Il considère que l'échasse (ou le cheval) fait partie de son corps.
Notre auteur nous dit encore : "Cette fusion avec le cheval marqua dans sa vie un véritable tournant" . Dans les écrits précédents, les notions de fusion, d'amour, d'une transformation en un "nouveau type d'homme" apparaissent. Nous trouvons plus loin : "l'amour de l'animal est le moteur essentiel des cavaliers, avec une recherche de contact avec l'animal et l'expression d'un besoin affectif. L'animal est toujours porteur d'un message. L'enfant porte en lui cette animalité, évocatrice des premiers échanges avec le monde extérieur, en dehors du domaine dont sa mère est le centre" .
L'auteur explique bien dans cette phrase à la fois l'idée d'amour, du corps et de la mère, les trois notions essentielles sur lesquelles ce travail est basé. Voyons maintenant comment se construit peu à peu cette image inconsciente du corps et sur quoi elle s'appuie. Pour cela il nous faut remonter à l'enfance.
Notre auteur explique : "Pour l'enfant, l'animal est un être identique à lui-même, affichant sans détours ses besoins. Il est du moins au début, son égal. Il est celui avec qui la conquête du monde est possible. L'animal permet à l'enfant de prendre conscience de lui-même en tant qu'être autonome" .
Ceci bien sûr se fait peu à peu, au fur et à mesure que l'enfant, s'identifiant au début à l'animal, prend conscience de ses différences pour construire sa propre image de lui-même. L'animal devient alors porteur de tout ce qu'il voudrait accomplir. Poursuivons notre étude : "l'animal est le premier confident qui répond aux besoins de possession et d'embrassement. Sur le plan affectif, on assiste durant cette période à une véritable symbiose entre l'animal et l'enfant".
Une symbiose, plus encore qu'un fusion, implique aussi cet échange privilégié d'un être à l'autre qui, sans parole, fait appel à l'ouverture de l'inconscient d'un individu".
Nous lisons plus loin : "chez l'enfant, l'animal semble être le médiateur indispensable qui l'aide d'abord à supporter le détachement affectif maternel, puis à intégrer certaines potentialités" . L'auteur explique ici que le détachement d'avec la mère correspond au moment où l'enfant se construit lui-même, au moment où se met en place l'image inconsciente du corps. L'enfant devient alors un être autonome, qui s'est dissocié de sa mère, qui a sa propre image.
Pour mieux cerner le rôle que tient le cheval chez cet enfant devenu adulte, il nous faut continuer notre étude : "A la différence de l'enfant où les mécanismes d'identification, de déplacement et de projection sont conscients, ils sont inconscients chez la plupart des adultes et l'animal sert d'exutoire… Pour l'adulte, l'animal privé de son caractère utilitaire demeure source de plaisir. L'homme et l'animal forment un couple, une dualité … Pour l'amateur de cheval, cet animal est un modèle viril. Le cheval et le cavalier réalisent l'image du Centaure".
On tourne en permanence autour de cette fusion des corps, de cette dualité. On peut également trouver bien d'autres exemples dans d'autres écrits, de cette notion de "couple". Toujours chez le même auteur, nous lisons : "Mais souvent les véritables raisons sont tues et c'est peut être à cause de ces raisons profondes que les actions et les sensations du cavalier sont exprimées dans un véritable jargon qui les masque. Cependant, nous y trouvons des sentiments de possession, de maîtrise et de communication intime" . Cette "communication intime" fait appel, entre autre, pour être vraiment une fusion, à l'ouverture du "monde intérieur" : l'inconscient.
"L'équitation est en effet le seul sport qui suppose le contact étroit et permanent des deux être vivants, homme et cheval, le seul sport qui mette en communication deux forces sensitives" . Dans "je parle aux chevaux, ils me répondent" Henry BLAKE explique ce fait, "par l'existence d'un rapport privilégié, d'une relation spécifique entre l'homme et le cheval, relation qui ne s'établit avec aucun autre animal" . On peut interpréter ces "relations privilégiées" si l'on admet que l'image inconsciente du corps du cavalier trouve sa prolongation dans le corps du cheval.
L'auteur confirme plus loin cette hypothèse : "Et ce lien privilégié s'établit par la communication qui se fait, d'après H. BLAKE, par la perception extrasensorielle" . Quelles sont donc ces perceptions extrasensorielles s'il ne s'agit pas de ce lien inconscient entre l'image corporelle de l'homme et sa prolongation par le corps du cheval ? Citons encore le même auteur : "quiconque monte à cheval n'échappe pas à ces évocations archétypiques et fait du cheval le lieu de ses fantasmes" .
C'est clairement développer ce lien avec les fantasmes, sachant que, dans toute l'œuvre de Jacques LACAN, cette relation du sujet avec "l'objet cause du désir", d'une manière ou d'une autre est liée à la première connaissance de l'enfant avec le monde extérieur et à la mère.
On comprend à quel point ce que cite M. F. BONAVENTURE comme relation cavalier/cheval est en même temps, et au même niveau, une relation du cavalier avec son propre corps. Citons : "Nous le retrouvons effectivement dans nos fantasmes individuels que sont la liberté, la force, le courage, la puissance, la domination et la sexualité… Devant une invention magique l'homme a adopté un comportement similaire, fait de peur et d'attirance, de frustration, de désir de maîtriser, comprendre, dominer et posséder" . Cela rappelle directement nos relations avec notre propre corps. D'après l'œuvre de G. JUNG : "L'homme à la découverte de son âme" : "L'homme investit le cheval de projections se ramenant à deux principes, celui de la mère car, animal porteur, le cheval évoque l'abdomen et les poussées instinctives qui nous assaillent, et celui de la force physique, de la puissance musculaire, dominatrice" .
On voit ici le lien avec ce prototype de l'amour que nous avons trouvé chez S. FREUD précédemment. L'auteur, plus loin, explique à sa manière ce lien avec l'image inconsciente du corps : "Le cavalier va découvrir l'importance du schéma corporel, en particulier à travers la nécessité de l'indépendance des aides, mais plus encore peut être, dans la prise de conscience de l'équilibre, de l'assiette, et dans le jeu musculaire du tronc, de l'abdomen, de la colonne vertébrale, puis le développement du toucher dans les mains, les jambes et les fesses. L'importance du contact est à la fois nécessité et source de plaisir…. " Ce lien de communication ou symbiose cheval/cavalier, où l'un est la prolongation de l'autre" .
Comme le dit le chevalier d'ORGEIX : "Ne plus être un homme juché sur un cheval, s'efforçant de trouver, grâce à un certain code, une compréhension suffisante… Ne plus être deux, mais bien de se sentir agrandi par cette masse de chair, de muscles, chaude de vie, qui s'est donnée au point quelle ne devient alors qu'une prolongation de soi" .
Même dans ces paroles qui n'ont rien à voir avec des recherches psychanalytiques, scientifiques ou vétérinaires, dans les "dires" des cavaliers de toutes les époques, on trouve cette notion manifeste de "prolongation de soi". Finalement, M. F. BONAVENTURE, dans la conclusion de son ouvrage nous dit : "L'union cavalier/cheval peut être telle que le cheval est ressenti comme une prolongation du corps, "corps agissant" accompagnateur dans les fantasmes et la folie, permettant peut être au cavalier la découverte de lui-même" . Un autre auteur, Fabienne CLEMENT, dans son ouvrage "Le cheval révélateur d'humanité", nous précise : "L'entrée des cavaliers montés sur la scène mondiale allait à jamais modifier non seulement l'orientation et le rythme de l'épopée humaine, mais aussi les coutumes des autres acteurs. En effet, dès qu'il monte à cheval, l'homme perché à 2,50 m peut distancer tous ses ennemis d'antan" . Cela aussi peut être comparé avec les hommes déjà cités qui, en Afrique, montent sur des échasses pour devenir "Quelqu'un d'autre, en haut".
En effet, dans l'évolution des civilisations : … "Le cavalier était un nouveau type d'homme. Ce n'était pas un simple écuyer ou un simple gardien de chevaux. Ce n'était pas non plus un homme qui se servait de son cheval. Sa monture et lui-même ne faisaient qu'un et ce, le plus harmonieusement du monde" . On dit aussi que les chefs des tribus nomades emportaient leur cheval dans la tombe.
Cette unité entre l'homme et le cheval, cette harmonie des gestes "…qui à son apogée rejoint le mythe du Centaure" , ne pourrait s'accomplir sans cette communication "extrasensorielle" et inconsciente qui fait intervenir l'image que le cavalier a de son corps et qu'il a établie lors de sa séparation d'avec sa mère. L'amour est souvent considéré comme "une autre naissance". Quand il devient si fort que l'on emporte avec soi son objet dans la tombe, la boucle est bouclée.
Dans l'ensemble de ces citations et à partir des "dires" de différentes personnes, nous avons essayé de démontrer que, d'une manière ou d'une autre, dans différents "langages", le cheval devient la prolongation de l'image inconsciente du corps du cavalier.
Les métaphores, les métonymies, les déplacements, les lapsus, les différentes types de fonctionnement de l'inconscient, particulièrement dans les rêves, sont les sujets des nombreuses recherches de S. FREUD et J. LACAN.
Sans entrer dans les détails de ces différents types de fonctionnement, quelques exemples d'expressions, empruntées à la vie du cheval, nous montrent également ce parallèle entre l'inconscient du cavalier et son cheval :
"Ronger son frein", en relation avec la bouche du cheval,
"A bride abbatue", sans réserve, ni retenue,
"Jeter sa gourme", qui fait référence à l'entrée dans la vie des enfants,
"Se mettre à poil" se mettre nu,
"Faire corps avec son cheval", image d'unité et de fusion entre deux êtres,
sont quelques exemples de certaines cavalières évoquant les relations avec le cheval qui sont entrées dans la vie quotidienne .
En citant encore Fabienne CLEMENT, que découvrons-nous ? "Le cheval, cet élément de divers codes sociaux, moraux, caractérologiques, devient aussi un objet de curiosité sexuelle et intellectuelle, représentant la notion pulsionnelle dans l'activité fantastique" .
On l'a vu, parce qu'il fait partie de nos antécédents culturels, parce qu'il nous ramène à notre enfance, le cheval est un symbole. Si on se réfère à Jacques LACAN qui dit : "Ce qui est symbolisé est toujours inconscient" et par rapport aux trois éléments, le réel, l'imaginaire et le symbolique, on peut citer à nouveau F. CLEMENT qui dit : "Le symbole propose l'homogénéité du signifiant et du signifié, au sens d'un dynamisme déformateur, fondé sur les structures mêmes de l'imagination. Imagination et puissance dynamique qui déforment les copies pragmatiques fournies par la perception réelle" .
C'est ce "dynamisme déformateur" des sensations, fondé sur l'imagination, qui devient le fondement de la vie psychique tout entière, en créant nos "symboles". Dans l'œuvre de F.CLEMENT, sa théorie sur l'image inconsciente du corps se base sur le schéma corporel de Françoise DOLTO et considére le cheval comme étant effectivement "le révélateur des représentations qui tissent l'image inconsciente du corps de son cavalier" .
Cette étude était bien développée dans le chapitre "Notions de schéma corporel" de F. CLEMENT que je ne reprends pas ici complètement. Je cite quelques phrases pour étayer ces résultats et je renvoie les lecteurs à son ouvrage  : "En parlant de l'apprentissage des "bons gestes" de l'équitation, elle nous fait mieux percevoir en quoi le jeu des muscles et les "résistances" physiques inconscientes du cavalier, peuvent conduire le cheval à "instruire" l'homme, à l'instruire sur lui-même" .
"Ces résistances du cavalier, qui rétrocèdent en partie à l'apprentissage (comme la gymnastique intelligente assouplit progressivement le cheval) l'empêchent de sentir ce que fait le cheval et de laisser passer le mouvement juste qu'il lui commande de faire. De fait, comment avoir les fesses intelligentes et percevoir l'engagement des postérieurs, si on les a serrées… Ce qui peut renvoyer à une fermeture défensive des orifices du corps".
"Enfin, les cuisses crispées qui limitent l'action de la jambe à celle de l'éperon, ne renvoient-elles pas à ces gardiens de la virilité… que sont les adducteurs ? … Le cheval constitue donc pour GARNIER "un moyen privilégié pour découvrir son propre corps et aborder ses difficultés, non pas un corps anatomo-physiologique, mais un corps vivant, un corps de désir, une "substance jouissante" modelée, formée par les "signifiants". Le cheval renvoie ainsi au corps où se sont inscrits les aléas de la vie, dès l'histoire fœtale, avec les premières relations nouées avec autrui, et les effets de la parole humaine, foncièrement ambiguë. Les attitudes à cheval traduisent donc les représentations mentales qui sont, pour nombre d'entre elles, inaccessibles à la parole seule et dont l'émergence permettra d'abolir ce qui résiste chez le cavalier" .
"Ces représentations, qui peuvent émerger aussi bien à la vue des dents, de la queue ou du sexe du cheval, au toucher de sa peau, à la (non)-sensation du rythme de ses allures, à l'odeur de l'écurie, renvoient finalement par leurs références, aux champs très variés que sont non seulement l'odeur et le rythme, le sexe et la voix, mais aussi les schémas toniques et posturaux véhiculés par l'équitation, à l'élaboration de cette image inconsciente du corps, "construite dans et par la vie relationnelle, dès la vie intra-utérine, et liée à la sécurité de base" .
Ici on voit clairement comment ces paroles, ces "dires", nous amènent vers cette relation inconsciente avec l'image du corps, et cette image du corps vers les relations avec la mère, dans la petite enfance.
Citons encore F. CLEMENT : "L'image du corps ou schéma corporel selon SCHILDER (dont l'ouvrage publié en 1934 constitue une source de références fondamentales pour ce sujet) rend compte d'une approche globale du corps conçue comme une entité psychologique et physiologique indissociable. Ainsi écrit-il : L'image du corps humain, c'est l'image de notre propre corps, que nous formons dans notre esprit, autrement dit la façon dont notre corps nous apparaît à nous-mêmes. C'est FREUD qui, le premier, s'est aperçu que : le sujet humain était constitué par l'ensemble des éléments de sa préhistoire (en latin "inifans" signifie "celui qui est privé de parole") et surtout des incidents de sa petite enfance (la mère et le père). Ces événements se cristallisent lors de l'accès de l'enfant au langage, et s'organisent en fonction des stades d'évolution de ses besoins primitifs et vitaux que sont ses pulsions, dont une grande partie n'aura pas accès à la vie consciente et donc à la parole" .
"On conçoit alors facilement que bien des attitudes, gestes, comportements, et réactions corporelles d'un individu puissent relever souvent de motivations inconscientes … De plus, toujours selon SCHILDER, l'image du corps correspond à une inscription progressive à laquelle s'associe la structuration libidinale qui se construit autour des zones érogènes; le schéma corporel s'acquiert donc progressivement dans un processus actif d'évolution, lié à la libido. Ce dernier terme est pris dans son sens le plus large, au-delà de la signification de la pulsion sexuelle. Le concept qu'il porte recouvre toutes les aspirations à la conservation de soi et la libido est conçue comme située au fondement de toutes les pulsions de vie (EROS) à l'origine de l'énergie psychique et opposée à la pulsion du moi destructrice (THANATOS), continuellement soumise aux impératifs de l'action dans le monde. Les actes sont ainsi régis par la perpétuelle confrontation de la Gestalt corporelle (forme organisée et structurée en fonction des éléments significatifs des perceptions individuelles) avec la réalité. FREUD et SCHILDER montrent par conséquent, que la représentation que nous avons de notre propre corps ne correspond pas à celle donnée par l'anatomie, mais résulte bien, pour une bonne part, de l'expérience de communication vécue avec notre entourage" .
Plus loin, nous trouvons encore : "Or, du mode de construction de l'image du corps dépend la sécurité de base de chacun, elle-même crée aux grandes fonctions de la vie : respirer, manger, dormir, agir avec un corps sexué, en relation aux autres, sans altérations ou angoisses majeures" .
La présence ou l'absence de cette "sécurité de base" est donc primordiale quant au "devenir" d'un individu. Comment s'établit donc cette "sécurité de base" si importante pour le comportement futur ? Nous lisons à la page 115 du livre de Fabienne CLEMENT : "C'est par les manipulations que les autres font subir à son corps que l'enfant identifie peu à peu celui-ci. C'est le plus souvent la mère qui le lui fera ensuite nommer, symboliser. Certaines zones seront alors surinvesties (le cou, la joue que l'on tend au baiser ou qui est affectueusement pincée) alors que d'autres seront sanctionnées par le silence dont on les entoure (le fessier qui est sale, la région du pénis, chargée du poids de l'interdit). L'image du corps résulte bien de l'expérience vécue au travers des aléas de la communication avec notre entourage. Ainsi le corps peut-il se découvrir l'objet possible d'amour (et donc de non-amour) et certaines de ses parties significativement mises en relief, joueront un grand rôle dans la vie de l'adulte, notamment dans ce quelle peut contenir de pathologique .
Comme l'écrit J. LACAN : "L'image du corps est aussi et surtout ce que l'univers du langage dans lequel l'enfant façonne et lui permet de nommer. Parce que l'animal ne parle pas, sa communication repose sur le mode de la fusion, … ou encore du double et du compagnon imaginaire. Il représente une sorte de moi idéal… Le dialogue est infiniment sensitif et sensible et par là plus que vrai, authentique même. C'est ce mode d'expression-là qui fondé sur l'émotion, se rapproche le plus de celui utilisé dans la relation symbolique avec la mère" .
Nous voyons donc ici que la relation avec le cheval permet de remettre à nu cette construction de l'image inconsciente du corps et de rattraper ou corriger ce que celle-ci avait d'incomplet ou de déformé. Il devient le révélateur de nos lacunes ou de nos interdits tout en nous permettant de les dépasser en reconstruisant ce schéma corporel. La relation cheval/cavalier, intuitive et sensitive permet de retrouver ce "moi idéal" et l'animal devient alors le prolongement inconscient de cette image du corps, qui nous permet d'accomplir tout ce que notre propre corps ne peut pas faire. Par cette communication avec les frontières de notre inconscient, il nous ramène à notre petite enfance et nous permet ainsi, en reconstruisant notre sécurité de base de nous libérer, de grandir en devenant quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui, après avoir été instruit par le cheval sur lui-même, pourra désormais vivre en meilleure harmonie avec ses semblables.

PASSION et AMOUR DU CHEVAL

Dans ce chapitre, en utilisant différentes recherches sur l'aspect symbolique du cheval, les "dires" quotidiens, le folklore et la littérature, nous essaierons de montrer l'effet que produit cette passion du cheval dans la vie de l'être humain.
L'utilisation du cheval en tant qu'archétype et symbole rituel, ou élément de différentes religions, a déjà été prouvée dans des œuvres de toute nature et ce n'est pas le sujet de cette étude; Les références dans ce domaine ne manquent pas. Nous en citerons simplement quelques exemples.
Retrouvons à nouveau "le cheval révélateur d'humanité" de Fabienne CLEMENT : "Une croyance associe originellement le cheval aux ténèbres du monde chtonien, qu'il surgisse galopant comme le sang dans les veines des entrailles de la terre ou des abysses de la mer, toutes deux symboles de la dynamique de la vie. Tout en sort et tout y retourne : elles donnent et reprennent la vie" . Ici encore, la référence à la mère est manifeste.

Plus loin, elle dit encore : "Le cheval devient ici un symbole de vie" ; On peut également citer la phrase de BUFFON : "Le bruit du galop est la réplique du bruit du cœur, le premier que nous entendons dans le sein naternel" .
Fabienne CLEMENT dans son ouvrage, au moment où elle parle de Pégase et du Centaure, utilise souvent des notions liées directement ou indirectement à l'inconscient : "le Centaure est un être mythologique monstrueux, mi-homme, mi-cheval, symbolisant la concupiscence charnelle, avec toutes ses violences brutales, qui rend l'homme semblable aux bêtes quand elle n'est pas équilibrée par la puissance spirituelle… On en a fait aussi l'image de l'inconscient qui devient maître de la personne, la livre à ses pulsions et abolit la lutte intérieure".
Cette phrase montre encore une fois que, pour l'auteur, la notion de cheval est bien liée à l'activité inconsciente. Arrivée à ce point, elle constate qu'il y a, dès l'origine, des liens inconscients avec le cheval, mais que ces liens prennent différentes formes dans l'histoire, car il y a de grandes difficultés d'interprétation sur l'origine de ces liens, étant donnée leurs aspects très divers dus à des influences ou des cultures différentes.

L'auteur nous explique différents symboles du cheval dans l'Antiquité grecque et au Moyen-Age (comme DEMETER D'ARCADIE portant une tête de cheval, les HARPIES, démons de la tempête, à la fois femmes, oiseaux et juments, CHAROS cheval noir, dieu de la Mort des grecs modernes, DRAC beau cheval blanc qui saisit les voyageurs pour les jeter dans le Doubs) et elle conclut : "Ceci illustre l'aspect négatif du cheval lunaire associé à l'élément Eau par les qualités de froid et d'humidité. La lune, luminaire de la Terre, symbolise ici le passage de la vie à la Mort… C'est aussi la zone inconsciente, crépusculaire des pulsions instinctives, la part de primitif inaccompli et malfaisant qui sommeille en l'homme, la part d'âme animale qui domine la vie infantile, archaïque, végétative, artistique et anémique de la psyché humaine" . Cela ressemble au "ça" défini par S. FREUD comme étant la partie animale de notre psyché et qui se manifeste aussi par le cheval dans ces cultures.
L'auteur ajoute : "Quant à l'eau, c'est alors une source de mort. Cependant féminine, et naissant de la terre" . Nous trouvons à nouveau cette recherche de la naissance, qui se manifeste ici d'une manière détournée. Nous pouvons enchaîner avec les écrits de l'Iliade où le cheval devient un symbole de vie.
Même si, pour Gustav JUNG, le cheval constitue "un des archétypes fondamentaux que l'humanité ait inscrit dans sa mémoire" , la question demeure : Pourquoi avoir choisi le cheval?
Fabienne CLEMENT écrit : "Il s'oppose au feu sexuel obtenu par friction, par frottement, image de l'acte sexuel et symbolise la passion, notamment l'Amour et la Colère" ; Ne serait-ce pas plutôt l'amour et la haine et le principe d'ambivalence entre eux expliqué par S. FREUD ? Citons encore F. CLEMENT : "Le cheval représente pleinement l'impétuosité du désir… Notons l'ambiguïté du terme chevaucher, emprunté par de nombreux poètes dans leurs évocations érotiques… Le cheval passe avec une égale aisance de la nuit au jour, de la mort à la vie, de la passion à l'action. Il relie les opposés dans une manifestation continue : Il est essentiellement manifestation, il est vie et continuité, par-dessus la discontinuité de notre vie et de notre mort. Ses pouvoirs dépassent l'entendement. Il est merveille et c'est pour cela que l'homme l'a si souvent sacralisé, de la préhistoire à l'histoire" .
Cette importance que l'auteur dédie au cheval dans la vie et la continuité, nous ramène à notre base de relations avec la mère et à l'amour narcissique primitif. Pendant toute la préhistoire et l'histoire, cette "Merveille" a été et continue à être une partie de nous, une partie inaccessible directement, mais présente et qui nous interpelle par des sentiments cachés.
Un autre auteur, DIGARD, dans son article "cheval mon amour", nous rapporte une phrase souvent prononcée autrefois par les cavaliers et les gens de cheval : "A nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent !". Elle est à rapprocher de celle-ci : "A cheval c'est comme dans l'amour, quand on a la bouche, on a le reste !". Même dans ces expression populaires, nous voyons à quel point le cheval et l'être humain sont mis au même niveau.
DIGARD précise encore, à propos des différences de comportement entre hommes et femmes par rapport au cheval : "les hommes limitent volontiers leurs contacts avec le cheval au temps qu'ils passent sur son dos. A l'inverse, les femmes prennent plaisir à cette sorte de maternage qui consiste à préparer leur monture et à la panser longuement après le travail".
Cela reflète exactement le comportement que les hommes et les femmes adoptent vis-à-vis de leur propre corps. Si l'on cite encore DIGARD : "on peut parler de relations privilégiées, exclusives, presque amoureuses entre cavalier et cheval". Toujours chez cet auteur, on trouve souvent ces "mises à niveau" entre objet d'amour et cheval. Il parle également "d'amour propre" entre cavalier et cheval et aussi de tact, de talent, de sixième sens. Citons-le de nouveau : "Le cavalier qui a du tact est au cheval ce que l'archet est au violon".
Dans le même article, il nous présente quelques exemples "parlants" du vocabulaire hippologique : "On ne parle jamais de la gueule d'un cheval mais de sa bouche, jamais de ses pattes mais de ses jambes et de ses pieds. Dans les concours, le commentateur n'annonce plus "M monté sur X", ni même "X monté par M", mais le couple XM. Il fait aussi allusion aux "maisons de retraite" et aux refuges pour équidés martyrs dont on parle aujourd'hui.
Dans l'ensemble de ces écrits et de ces "aires", même récents, on constate encore une fois combien l'on ressent d'une manière ou d'une autre le corps du cheval comme la continuation de son propre corps, au point d'identifier le cheval lui-même à un être humain à part entière.

BUFFON, à la question "Qu'est-ce qui vous fait percevoir le cheval comme un 'presque intime' ?" répond par une correspondance subtile tenant au langage : "Il nous semble que nous conversons avec lui. La mobilité de ses lèvres nous émeut imperceptiblement en nous rejoignant au plus intime de notre être culturel : le langage" . Nous voyons bien ici à quel point l'auteur était sensible à l'ensemble des éléments qui relient le cheval à l'homme quant au langage. On a vu aussi à quel point le langage est lui-même lié à l'image de la mère.
BUFFON reprend souvent à propos du cheval l'expression "les yeux du cœur". Cette notion a été très souvent utilisée par l'ensemble des mystiques, à la place de ce qu'on appelle aujourd'hui "psyché" ou "inconscient". Pour BUFFON, l'homme et le cheval se ressemblent "jusqu'au bout des doigts".
Il utilise encore une autre phrase : "L'homme fait corps avec le cheval". Il parle aussi d'"image mentale du cheval", ce qui aujourd'hui est appelé "image inconsciente du corps".
Prenons des exemples contemporains et récents. Au cours de discussions avec des cavaliers, j'ai entendu différents témoignages. Un jour, un éleveur m'a dit que, de temps en temps, il se sentait tellement lié à une jument, qu'au moment où la mise-bas approchait, il prenait son sac à dos et allais coucher dans son box. J'ai entendu aussi une collègue de travail me rapporter que sa passion était de marcher à côté de sa jument pendant quelque temps, dans la journée.
Je me souviens que, dans un discours, un directeur de haras a utilisé le mot "animal" à la place de "cheval". J'ai senti à quel point les auditeurs autour de moi étaient choqués : ils considéraient le mot "animal" comme une insulte pour le cheval. Un cavalier m'a même dit un jour : "Sans doute, je n'aurais pas pensé vivre avec ma deuxième épouse si elle n'avait pas de passion pour le cheval". Il mettait en balance l'amour pour sa femme avec l'amour pour son cheval. Dans tous ces exemples, le cheval est porté au niveau de l'humain.
J'ai aussi entendu la phrase suivante : "Un bon cavalier, avant qu'il ne pense à commander, le cheval exécute" : le lien inconscient apparaît.
Un proverbe Turkman dit : "Le cheval pour l'homme est comme des ailes pour les oiseaux". On voit ici à quel point il fait depuis toujours partie du corps de l'homme (prolongation de l'image corporelle), comme les ailes sont une partie du corps de l'oiseau. Un autre auteur parle d'un petit cheval dans la tête, dans l'imagination, dans l'affectivité des éleveurs. Qu'est-il donc ce "petit cheval dans notre tête", sinon une part ajoutée à l'image inconsciente de notre propre corps, que l'on y trouve aussi ?
J'ai lu enfin : "Le bien-être ressenti en équitation vient de ce que le rapport à l'animal est pleinement ouvert et permet l'abandon réciproque de l'un à l'autre" . Ceci confirme tout à fait notre hypothèse de base. Grâce au rattachement du signifiant "cheval" à l'image inconsciente de notre corps (construite par les signifiants au cours de notre évolution personnelle), se produit l'ouverture des frontières de l'inconscient, à travers différents moyens. On peut en conclure qu'à la base de cette passion, cet amour, ce transfert sur le cheval, ce sentiment de bien être et cette ouverture d'esprit, il y a une raison majeure, qui est ce lien avec l'image inconsciente du corps née de notre petite enfance, ce phénomène qui transforme le corps du cheval en une prolongation du corps inconscient du cavalier.
Cette recherche nous a permis d'éclairer à travers la mythologie, la littérature, la symbolique ou le folklore, l'origine de cette passion. Elle peut permettre aussi de mieux la maîtriser, de mieux la canaliser, de mieux la comprendre, afin de mieux orienter l'ensemble des activités liées au cheval, de son élevage aux compétitions, en passant par le monde des parieurs. Prenons comme exemple l'un des slogans du PMU : "Avec PMU jouer avec vos émotions". Cela traduit bien le registre où se situent les relations avec le cheval. A partir de cette reconnaissance, peut être pourra-t-on mieux utiliser le "signifiant-cheval" dans la pédagogie, l'éducation et le traitement des malades, et rendre plus "raisonnable" cette relation passionnelle.

BIBLIOGRAPHIE:

 F. CLEMENT, "Le cheval révélateur d'humanité", thèse de vétérinaire, 1994
 M. F. BONAVENTURE, "Motivations psychologiques à la pratique du sport équestre", thèse de médecine, 1984
 D. CHAUVELOT, psychiatre, psychanalyste, "47 jours hors la vie, hors la mort" chez Albin MICHEL, 1996
 J. P. DIGARD, CNRS, laboratoire d'ethnologie méditerranéenne, "Cheval mon amour" et "Faudra-t-il protéger le cheval de l'amour des hommes ?"
 F. POPLIN, "L'Evolutionnisme, Noble conquête du cheval à travers BUFFON" Acte du colloque international, 1992 Institut Interdisciplinaire d'Etude Epistémologiques.