Sublimation

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Le regard du passionné et l'écoute de l'Analyste

"ça vous plaît ? c'est moi qui l'ai fait"

Considérons une œuvre d'art et le phénomène de sublimation. Une pulsion sublimée est comme toute pulsion, affublée d’une source et d’un objet. Il y a une adresse, un endroit où aller, un porteur de message, quelque part un lieu "autre", comme une découverte de "quelque chose" ou "une autre chose".

En résumé, une œuvre d'art, ce sont des images et des formes signifiantes nouvellement créées, comme par exemple :

  • Picasso, qui nous ramène au regard de nos ancêtres,
  • Dalí, qui nous dévoile la magie du rêve
  • Van Gogh, qui fait ressortir l'énergie au fond du tissu des matériaux et fait surgir le réel en mouvement.

Une visite au musée Goya à Madrid nous révèle parmi de très grandes œuvres, des portraits, des scènes de chasse, des paysages parfaits, et un tableau qui nous transperce : le regard d'un condamné à la fusillade dont les yeux ne sont pas dessinés, mais seulement esquissés par deux tâches noires.

Il nous dévoile "un regard" saisi dans un instant particulier, entre la vie et la mort, et privé d’yeux. La définition de la sublimation peut se résumer à une activité d'origine sexuelle, désexualisée par le biais du narcissisme orienté vers l'idéal du moi.

La sublimation est semblable à l'expérience de Narcisse où l'image du moi se reflète dans un miroir, comme si l'artiste se situait à la place d'un appareil photographique et que l'œuvre devenait la photo. Dans ce cas, la qualité de l'appareil est jugée au vu de la qualité de la photo : "ça vous plaît ? C'est moi qui l'ai fait".

Avant l’avènement de l’art moderne et l'invention de l'appareil photographique, les peintres classiques avaient cette obsession du perfectionnisme. Ici, c'est plutôt l'image inconsciente du corps de l'artiste qui est directement concernée. C'est une réponse à la question : "comment je suis ?"

Plus tard, dans toutes les œuvres modernes, des idéaux sociaux et humains se manifestent comme réponse à cette question : "comment je suis dans ce monde ?". Peut être, ce besoin des artistes d'exposer leurs œuvres et de discuter avec les visiteurs des galeries peut-il se résumer ainsi : sentir l'impact de l'image idéale du moi sur les autres.

Au sujet des idéaux sociaux et humains, on peut citer l'ensemble des œuvres d'art évoquant la notion de paradis, l'Eden, l'utopie dans les cultures chinoise, persane, indienne sous des formes variées comme les dessins des tapis ou les miniatures.

Concernant les œuvres artisanales, il n'y a pas création nouvelle de formes mais elles n’en sont pas moins belles. Un artisan ne fonctionne pas comme un miroir mais comme une mémoire. Il n'y a pas de message, ni d'objet de pulsion mais une copie de l'écriture. Comme un livre manuscrit et recopié, l'œuvre artisanale est produite en plusieurs exemplaires sans être destinée à un acheteur particulier. A contrario, le premier acheteur d'une œuvre d'art est souvent très important pour l'artiste.

Les dessins d’enfants sont quant à eux un acte spontané, un flash semblable à une pulsion rapide. Un dessin d'enfant est fait pour quelqu'un ou aborde un sujet bien identifié, il est d'une transparence presque totale. Est-ce la raison pour laquelle faire parler des enfants au sujet de leurs œuvres est une voie de cure ?

Des exemples de l'image inconsciente du corps se voient directement, comme le nombre des doigts de la main dans leurs dessins.

Un collègue m'interpella sur ses récentes observations de dessins de psychotiques. Il me dit, je cite : "il me semble que là, il manque quelque chose". Je peux avancer quelques idées en comparant les œuvres artistiques issues de sublimations avec les dessins des psychotiques.

On relève un certain manque d'intérêt du psychotique pour exposer ses œuvres. Il n'y a pour lui ni plaisir, ni volonté dans l'acte de dessiner, et il n'y entreprend pas non plus de recherche sur la beauté et l'harmonie. Mais il y a un lien direct avec l'image inconsciente du corps qui est très parlant. Ainsi, une femme handicapée d'une main et psychotique, dessine une main qui a deux pieds et marche à côté du corps du sujet.