Au delà du père, le père de l’au-delà

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B – Père et Structure

Cette métaphore paternelle se formule ainsi :

Nom du père Désir de la mère A
______________ ______________  Nom du père ___
Désir de la mère signifie au sujet 

Dans cette formule, la première partie entre parenthèses s'explique ainsi : c'est parce que le nom du père (signifiant pur) est là que le désir de la mère prend sa signification. D'autre part, la deuxième partie se traduit ainsi : c'est parce que le désir de la mère existe que le sujet désirant est né. Ceci nous donne dans la partie droite : ce sujet existe avec un nom du père comme identifiant "contenant" et le "contenu" est l'ensemble des signifiants A, avec le phallus comme un "trou" dans A, ce qui fait que S2 est un signifiant collé au signifié, comme un symbole qui définit des choses.
Pour J. LACAN : "Le nom du père est le signifiant qui dans l'Autre, en tant que lieu du signifiant, est le signifiant de l'Autre en tant que lieu de la loi"(8). Il existe une autre manière de formuler ce qui vient d'être dit : S1 * a  $ * S2 . Dans cette formule, "S1" est le signifiant de base, "a" est l'objet du désir, intermédiaire du réel, comme le regard, la voix ou le moteur du désir. $ est le sujet inconscient, l'être parlant.
Le nom du père, lié "a" l'objet du désir, produit un sujet qui a un discours (S2). On peut dire que cette formule a été utilisée par J. LACAN pour définir les quatre positions du discours. Si le nom du père n'arrive pas à séparer le sujet inconscient $ de l'ensemble des signifiants A, la métaphore paternelle ne fonctionne pas. Pour J. LACAN : "la condition essentielle de la psychose est la forclusion du nom du père à la place de l'Autre et l'échec de la métaphore paternelle"(8). Dans ce cas, quel est le rôle du père pour le psychotique, sachant que, d'après J. LACAN, "le père souhaité du névrosé est le père mort"(8) ?

C – Le père et le psychotique

Analyse d'un cas : Président SCHREBER, femme de Dieu:
Daniel Paul SCHREBER est né le 25 juillet 1842 à Leipzig. Il était juge au Tribunal de Grande Instance de Chemnitz, lorsqu'il se présenta aux élections pour le Reichstag de 1884, comme candidat du Parti National Libéral. Après son échec, il fut hospitalisé six mois à la clinique pour malades mentaux de Leipzig. En 1893, il fut nommé Président de chambre à la cour d'Appel de Dresde et ré hospitalisé à Leipzig. De 1900 à 1902 il avait écrit ses mémoires. Il mourut le 14 avril 1911 au moment où était publiée l'étude que S. FREUD venait de lui consacrer : "Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa, décrit sous forme autobiographique". Notre étude dans ce chapitre est entièrement basée sur cet ouvrage.
Il eut un jour vers le matin, dans un état intermédiaire entre le sommeil et la veille, la représentation que "tout de même, cela ne pouvait qu'être vraiment fort beau d'être une femme qui est soumise à la copulation". Peu à peu, les idées délirantes prisent un caractère mystique, religieux. Il était en commerce direct avec Dieu, les diables faisaient de lui leur jouet, il voyait des "apparitions miraculeuses", entendait "de la musique sacrée" et finalement crut même séjourner "dans un autre monde".
D'autre part, d'après les témoignages de son entourage, "le docteur SCHREBER témoignait d'un vif intérêt, de connaissances approfondies, d'une bonne mémoire, d'un jugement pertinent et aussi, relativement à l'éthique, d'une conception à laquelle on ne pouvait qu'adhérer". Il se considérait comme appelé à (redonner sa dignité) au monde et à lui apporter de nouveau la béatitude perdue. Mais cela, il ne le pouvait que s'il s'était auparavant transforme d'homme en femme. Il prenait vis-à-vis de dieu une position féminine, il se sentait être "la femme de Dieu".
Les deux parties capitales du délire Schreberien, la transformation en femme et la relation privilégiée à Dieu, sont connectées dans son système du fait de sa positon féminine vis-à-vis de Dieu. Dans ce cas, "la menace du père qui fourni le matériau à la fantaisie du souhait de transformation en femme, d'abord combattue et ensuite acceptée".
Par quelles étapes le sujet SCHREBER est-il passé ? D'abord si l'image du père castrateur est trop forte, le sujet tend à devenir femme. En deuxième lieu, ce père puissant, éducateur et vénéré à l'extrême devient Dieu. En troisième lieu, l'amour qu'il lui porte et sa transformation en femme l'amène à se considérer comme la "femme de Dieu".
A différentes reprises, SCHREBER parle de soleil, de lumière. Sachant que, pour S. FREUD, le soleil est le symbole sublimé du père : "il identifie expressément le soleil avec Dieu, tantôt avec le Dieu d'en bas (Ahriman), tantôt avec celui d'en haut : "le jour suivant, je vis le Dieu en haut cette fois, non avec l'œil de mon esprit, mais avec l'œil de mon corps. C'était le soleil, non pas le soleil dans sa manifestation habituelle comme de tous les humains, mais lui …."

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